Je me souviens qu'en 1997 (enfin, à cette "époque-là"), on s'interrogeait gros comme le bras sur le risque que représentaient les cookies pour notre vie privée; il y avait des débats publics, les gens en discutaient entre eux.
Je rappelle, pour ceux qui seraient susceptibles de l'ignorer, que les cookies sont des informations qu'un site peut stocker sur l'ordinateur d'un client, pour une durée plus ou moins longue, lorsque celui-ci visite celui-là. Bien que cela semble insignifiant, c'est ce qui permet à un site de profiler ses utilisateurs, puisque c'est pratiquement le seul moyen d'identifier un internaute entre deux visites.
Or, si à l'époque (pas si reculée en temps historique, mais néolithique en temps Internet), on s'inquiétait du pouvoir que cette fonctionnalité pouvait mettre dans les mains d'intérêts privés relativement limités, si on les compare au méga-corporations qui dominent maintenant, aujourd'hui il est rare qu'on remette en question les cookies. Et pourtant, notre vie privée n'a jamais été aussi menacée.
D'ailleurs, certaines de ces super firmes ont très vite su profiter de la mine d'or que représente le cookie. C'est le cas notamment, de Google, la plus puissante compagnie de télécommunications au monde. Peu de gens soupçonnent la portée de Google en termes de vie privée. Celle-ci n'est pas seulement capable de profiler nos recherches, mais bientôt de la presque totalité de nos activités sur le web. Il y a d'abord Google Analytics, utilisé en masse par une tonne de sites webs, qui apparaît sur chacune de leurs pages, permettant à Google de savoir chacune des pages que nous visitons, chacun des liens que nous cliquons sur ces sites de plus en plus nombreux (j'en produis moi-même!).
Cette année, Google a sorti son navigateur Chrome, avec une interface plutôt convaincante, de loin plus confortable pour une utilisation normale que les autres navigateurs qui dominent le marché. Or, ce navigateur "Open Source", et c'est cette même communauté qui nous mettra en garde, se connecte régulièrement à sa maison mère afin de lui dévoiler des informations sur notre utilisation du navigateur (à ce propos, je conseille Iron, une version révisée de Chrome duquel on a fait l'ablation de ces appels fréquents à la maison).
Sans en faire l'inventaire exhaustif, il n'y a pas un aspect du monde numérique que Google n'ait pas investi, et il se retrouve bien souvent, grâce à ses nombreux cerveaux et à son capital pratiquement illimité, en position de chef de file dans chacun de ces secteurs. Mais à chaque fois, c'est un recul pour la protection de la vie privée. D'ailleurs, son PDG actuel, Eric Schmidt, ne cache pas les aspirations de Google: il s'agit de se "connecter directement à votre cerveau".
Ne parlons pas du social networking, de la messagerie personnelle, de l'intégration des services web avec les téléphones portables et les GPS, qui envahissent progressivement nos vies. Sans compter les gouvernements, qui mettent en place des techniques de contrôle et de surveillance des plus sophistiquées.
Rien ne nous garantit que ces informations sont utilisées dans notre seul intérêt!
En un mot, on s'est fait d'abord offrir un petit cookie. En l'avalant, on ne se souçiait peut-être pas du menu qu'on nous préparait!