samedi, février 18, 2012

Vie privée et vie publique

De la séparation des vies publiques et privées

Le dualisme vie privée/vie publique a créé une situation entièrement neuve.

La désignation du caractère privé ou public de la vie en termes techniques est un phénomène neuf.

Une conséquence de ce mouvement et le perfectionnement de son application technique est une définition de l'identité sociale, puis conséquemment personnelle, basée strictement sur la part publique de l'activité télématique de l'individu.

Le perfectionnement des mesures techniques de protection de la vie privée opère une séparation totale entre les contenus (les "traces" d'activités) privés et publics. S'opère et s'achève du même coup un schisme complet entre son existence publique, plus ou moins assumée socialement, et privée, entièrement secrète -- du moins au point de vue social.

Du caractère réellement privé des activités sous protection

La virtualisation des activités humaines, outre autres graves implications, étend dramatiquement le prisme des possibilités d'action de l'homme, dans un univers entièrement numérique. Voilà qu'il est de plus en plus aisé d'escamoter complètement de la vue même des proches (constituants pourtant élémentaires d'une vie réellement privée) toutes les traces de ses activités dites "privées".

Ainsi, la vie privée, dans son acception technique, promulguée malgré cela comme droit fondamentalement humain, n'est même plus du domaine du privé. Il s'agit plutôt, dans le contexte technologique totalitaire[1], de la partie la plus intime de l'être, maintenant mise complètement à nu et directement exprimée et exposée, sur un vaste réseau global, à toutes les tentations possibles, au moment même où son glissement hors de la sphère sociale jusque dans l'espace strictement technique soulève toute forme de contrainte morale à son égard.
[1] Car il s'agit bien aujourd'hui d'un tel contexte, dans la mesure où les nécessités techniques assujetissent dorénavant systématiquement toute autre considération. J'invite les gens qui n'en seraient pas encore convaincus à prendre connaissance du roman La vingt-cinquième heure de l'auteur Roumain Virgil Gheorghiu.

Là où la vie privée, régulée par la proximité des proches et de la communauté, traçait il y a encore quelque temps les limites de l'activité acceptable, elle ne trouve plus de prise ferme sur les activités individuelles depuis que celles-ci sont exerçées librement sur le "nuage" informatique sous le couvert d'un anonymat sophistiqué.

Exacerbation de l'impasse de l'humanisme moderne

Il n'existera jamais de solution technique à l'ultime problématique humaniste moderne: l'ignorance stupide. Tant que les problèmes seront traités en termes techniques, la problématique globale ne fera que s'aggraver.

Nous voici à un point jamais atteint de domination du vice et de la corruption sur l'ensemble des phénomènes humains. Hélas, cela n'exclut aucunement la possibilité de degrés supérieurs à cette domination. Mais je ne tiens pas à m'horrifier délibéremment en songe.

Disons seulement que la disparition de la morale intime ne peut mener, à moyen terme, qu'à une civilité entièrement factice et, à long terme, qu'à une authentique barbarie généralisée. Mais l'automation de la morale n'est guère une alternative réjouissante.

Aléas

Google, ultime engin de rétribution de la mémoire électronique, constitue un énorme trou noir pour la mémoire organique.

Ce monde ressemble de plus en plus à un roman policier. S'il fut déjà vrai que toute action ne peut être que le fruit des motifs de son protagoniste, il est également vrai que l'établissement du caractère criminel de telle ou telle action dépasse largement le domaine du polar.

(Québec, 13 au 14 août 2010)

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